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Travailler l aromatique

Publié : 22 sept. 2022 18:07
par Macpo
Salut,

J essaie d améliorer mes plans de houblonnage, disons de comprendre mieux ce que je fais et pourquoi sur l aromatique.

Ma question est la suivante : comment décider dans le houblonnage aromatique de privilégier 15/10/5/0 flameout hopstand ou Dh... ?

Voilà ce que je fais aujourd'hui : je choisis le houblon en fonction des aromes recherchés. Ensuite dans la recette je mets un peu à 10 ou 5 min, un peu en hopstand, sans trop savoir pourquoi sinon que ca permet peut être de valoriser des arômes différents, sans savoir quoi. Je mets plus ou moins bien sûr selon les styles. Ensuite, je vérifie les effets en IBU de ces choix, je me débrouille pour mettre tout mon paquet de houblon ouvert, et vouala.

Ca n est pas satisfaisant. Du coup pour mieux comprendre :

1. L aromatique c est en fin d ébullition, OK. Mais au delà de ça, de façon plus fine, peut on faire un lien entre valorisation de certaines huiles essentielles et donc certains goûts, et des durées d ébullition ?
Par exemple : myrcene c est mieux 10-15 min d'ébullition, linalool c est mieux moins de cinq minutes, etc.
J ai cherché sur internet, j ai trouvé des infos eparses sur certains sites, mais rien de systématique. Par ailleurs les interactions avec le reste du process de brassage ont l air compliquées, et empêchent un peu de dégager des règles simples.

En reste t on là pour autant ? Est il possible d avoir des choses simples du genre : tel houblon 5 min = odeur de sous bois, mais à froid c est plus agrume ? Ou encore est il possible de dire par exemple : Tettnang dans telle recette ca na pas de sens à 10 min d ebu, il faut tout mettre en hopstand... Ou inversement.
Si vous avez des docs ou une méthode générale, ce serait top !

2. Comment équilibrer entre plusieurs houblons ? A part l expérience longue à acquérir de "tel houblon plus fort en arôme qui va masquer tel houblon subtil", y a til une manière de s'y prendre ? J ai lu sur un poste de forum qu'il y avait une corrélation entre AA et quantité d huiles essentielles, et que ca pouvait aider pour equilibrer entre houblons. Mais comme la force aromatique n est pas proportionnelle à la quantité d'huile essentielle...

Merci pour vos retours !

Ps: un lien intéressant que j ai trouvé sur un autre fil de discussion... Quelle fiabilité toutefois ?
http://scottjanish.com/hop-oils-calulator/

Re: Travailler l aromatique

Publié : 22 sept. 2022 18:18
par pigeon_la_barrique
Salut Macpo,

Je vais suivre ton sujet avec beaucoup d'intérêt parce que je me pose beaucoup de question de ce type et je ne comprends pas le pourquoi du comment des ajouts successifs de houblons dans certaines recettes (par exemple 5 min, 10 min puis flame out).

Quand je suis une recette, je respecte bêtement ce qui est écrit. Par contre, quand je crée une recette j'ai tendance à ne pas m'embêter et mettre l'aromatique en flame out et/ou hopstand, plus éventuellement DH.

Dans ma pratique, autant je vois clairement l'apport aromatique d'un HS < 80°C par rapport à un ajout en flame out, autant j'ai du mal à saisir les subtilités à 5 min, 10 min, etc.

Merci donc d'avoir posé ta question !

Re: Travailler l aromatique

Publié : 23 sept. 2022 8:14
par Epidemaiis
Salut,

Pour donner des éléments à ta question générale comment décider du houblonnage 15/10/5/0/DH...

-> Alors déjà le houblon est fournit avec une fiche de variété souvent générique. Il ne s'agit pas de l'analyse du lot. Or d'année en année ou de terroir à terroir ou séché différemment, les résultats changent énormément. Donc déjà difficile d'avoir une vraie constance sur ce sujet, il faut adapter sa recette en fonction de ce que l'on a sous la main (et donc le calculateur de Scott Janish est intéressant mais terriblement imprécis).Calculateur

-> Ainsi chez moi Entre le Chinook 2021 et 2022 (année très différente par la sécheresse), la compo en huile semble drastiquement différente :
Huiles participant plutôt aux flaveurs/arômes Nobles (Humulène, Caryophyllene, etc...) : ~18% 2021 et ~25% 2022
Huiles participant plutôt aux arômes fruités et floraux (Géraniol, Linalol, etc...) : ~2,5% 2021 et ~1,3% 2022 et l'acétate de géranyl (rose, lavande) très présent en 2021 et presque absent en 2022. On peut supposer un résultat différent si il est utilisé de façon identique.
Capture.JPG

-> Il y a aussi des effets de vieillisement à prendre en compte, le même houblon utilisé l'année n0, n+1, n+2, etc... aura une compo en huile différente (il va perdre en Myrcène et autres composés fragiles et volatils), ainsi qu'en alpha (le houblon Chinook conservé chez moi sous vide au frigo perd ainsi ~13% de ses AA par an). Or souvent l'analyse a lieue juste après récolte (et est très incomplète), ensuite le houblon est conservé en balles compressées pendant quelques temps (plus ou moins ca joue sur le vieillissement), ensuite pelletisé (ça fait vieillir aussi, selon l'équipement), ensuite stocké, ensuite éventuellement reconditionné (sous vide, sous athmosphère...).

Je suppose que tu connais la théorie (voir courbe ci-dessous) pour l'aromatique à l'ébullition.
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Est-il pertinent de séparer flaveur et arômes :think: ? Comme le font les américains.

-> Après selon les huiles (comme tu le précise Macpo) vont avoir un comportement différent : cela dépend des interactions avec les composés/levures Glycosides du moût/bière (le géraniol qui se transforme en partie en citronellol), de leur volatilité (avec la fermentation, avec les vapeurs, etc...), de leur fragilité (à l'oxydation, aux UV éventuellement, à la température), de leur caractère soluble ou insoluble. Comme le précise Scott Janish un composé majoritaire comme le Myrcene est très volatil et se retrouve en très faible dose dans la bière (excepté pour le DH qu'il aura plutôt tendance à perturber).

-> J'ai vu de nouvelles variétés dont le taux d'huiles n'est pas corrélé aux AA Monroe par ex. Il me semble que c'est plutôt une tendance mais pas toujours vérifiée. Il faudrait se baser sur l'analyse alpha pour l'amertume et l'analyse d'huiles aromatiques fruitées/florales pour les arômes (mais cette info est souvent absente, coûte cher à analyser).

Au plaisir de n'avoir répondu à aucune de tes questions... :?

Re: Travailler l aromatique

Publié : 23 sept. 2022 9:45
par Macpo
Salut,

Ton message me confirme qu en amateur, difficile de faire qq chose de très précis sur l aromatique !
Mais alors comment as tu eu ces chiffres sur le Chinook 21 et 22 ? Ca sent le pro !! :)

Bon, les flaveurs j'ai jamais compris. Je passe sur la diversité des usages du terme ( on trouve sur notre site un post sur les flaveurs qui résume en réalité tous les faux goûts et leurs causes par exemple).
Quand on cherche ici ou là, notamment sur le wiki de brassam, ca designe l ensemble des perceptions sensorielles odorat gout etc. Ensemble. Soit. Mais alors comment est-il possible que la courbe des flaveurs apparaisse sur ce graphique - que j ai déjà vu - comme ca avec un pic à 20 min ? Ca n a pas de sens, puisque selon la définition précédente les arômes font partie des flaveurs, les flaveurs dépendent me semble t il de l ensemble du brassage, pas que des houblons, et ne peuvent pas être isolés comme ca.

Du coup à quoi correspond la courbe bleue sur ce graphique ? A l extraction de certains composés dans les houblons, qui ne seraient pas les huiles essentielles ? Ou certaines huiles ? Pour moi mystère.

Bref, l amertume je vois. Les goûts/ arômes genre agrumes epices fruits résine je vois. Les flaveurs, nada. C est aussi mystérieux que l alcalinité résiduelle pour moi, avec le soupcon que ce soit un concept beaucoup moins rigoureux :) . Donc si quelqu'un peut m éclairer... C est top. Peut être aurais-je envie de mettre du houblon à vingt min avant la fin d ébullition en comprenant pourquoi. Le fait même que cette pratique soit rare ne serait il pas un indice supplémentaire du fait que les flaveurs du houblon ne correspondent pas à grand chose ?

Encore merci !

Ps: question complémentaire : mais alors épidemais, comment décides tu de mettre du houblon en aromatique à 10/5/0 etc ?

Re: Travailler l aromatique

Publié : 23 sept. 2022 12:15
par Penn-Maen
Je vois ça comme ça :
- arôme : nez
- Flaveur (qu'on traduit par Saveur en franzözish) : langue (les muqueuses nasales participent aussi à la perception du goût : ceux qui ont perdu l'odorat avec le covid l'ont bien constaté :mrgreen:)

Donc :
- toutes les huiles qui s'évaporent trop vite pour se solubiliser c'est arôme
- toutes celles capables de se solubiliser pour freiner leur disparition c'est flaveur (pour peu qu'il en reste)

C'est amha une raison qui explique qu'on peut avoir des bières qui reniflent hyper bon et qui, une fois dégustées, te laisse avec "bof, ça sentait meilleur que ça ne goutait".

A noter que le graphique ci-dessus est très décrié. Non pas parce qu'il est faux mais parce qu'il a été sorti de son contexte pour être érigé en dogme. Il me semble qu'à la base il servait uniquement à illustrer "par l'image" 2 / 3 choses mais sans jamais se prévaloir d'une quelconque justesse scientifique. On notera d'ailleurs que l'ordonnée est un pourcentage... pourcentage de quoi ? Eh bien pourcentage d'un maximum, pas bien défini ni bien compris. De même, la saveur ne peut pas être décorrélée de l'amertume et des arômes puisque ceux-ci font partie intégrante de ce que notre langue peut percevoir.
Le graphique supposerait en plus, pour être correct, un refroidissement instantané de l'ensemble du moût

Edit : Publié pour la première fois sur et par BrewSupplies (un magasin de fourniture pour brassams) en 2000...

Re: Travailler l aromatique

Publié : 23 sept. 2022 12:15
par Vavangue
Salut,

Attention, l'anglais/américain "flavour"/"flavor" peut être un faux ami.
Sur le graph' présenté plus haut (don j'imagine qu'on peut s'interroger sur la rigueur scientifique) je pense qu'il faut prendre "flavor" dans le sens de "saveur" et non de flaveur. On aura donc bien une distinction saveurs/arômes.

V.

Edit : mon scepticisme a été grillé par celui de PM (argumenté, lui). :wink:

Re: Travailler l aromatique

Publié : 23 sept. 2022 16:39
par Epidemaiis
Macpo a écrit : 23 sept. 2022 9:45 Salut,
Ton message me confirme qu en amateur, difficile de faire qq chose de très précis sur l aromatique !
Mais alors comment as tu eu ces chiffres sur le Chinook 21 et 22 ? Ca sent le pro !! :)
La ferme produit de l'orge (que l'on fait malter par ailleurs) et a 1,5ha de houblon avec 0,5ha de réellement implanté actuellement. On produit de la bière avec ces ingrédients.
Avec mon associé, on est impliqué dans le développement régional Nouvelle Aquitaine de la filière houblon et on commence à s'intéresser à l'aspect terroir (pour nous différencier et par ce que c'est passionnant), d'où un commencement de travail avec des analyses complètes. Nous avons une partie de subvention pour ces analyses fort chères (170€ht) et avons beaucoup de mal à mettre en place d'autres initiatives de développement car un acteur privé phagocyte toutes les aides et opportunités au détriment des producteurs et du travail en commun.
Ps: question complémentaire : mais alors épidemais, comment décides tu de mettre du houblon en aromatique à 10/5/0 etc ?
Perso en tant que brasseur (et je ne vois pas trop de différence entre amateurs et pros sur ces questions houblons) je fais comme cela par pure habitude et empirisme.
Toujours un houblonnage en premier jus pour l'amertume (~15IBU) puis un autre à 20min (quand il s'agit de mettre en retrait le houblon) ou au whirlpool, Hopstand (~77°C) (pour les plus houblonnées) voire en supplément un DH ou DDH pour certaines.

Et je pense que moi et d'autres brasseurs peuvent progresser en analysant mieux les lots de houblons et en réussissant à faire le lien huiles dans la plante et huiles dans la bière.
D'où mon intérêt pour ton sujet Macpo.

Re: Travailler l aromatique

Publié : 25 sept. 2022 20:20
par Hellwood
Vaste sujet "l'aromatique".
Pour ma part, concernant les houblons aromatiques d’ébullition, j’étais simplement resté sur le graphique (si imparfait soit-il) cité plus haut par Epidemaiis que j’avais (grossièrement) interprété de la manière suivante :
- sous les 10 dernières minutes (sous les 8 en fait) : un meilleur impact "au nez"
- autour des 20-15 minutes : un meilleur impact "en bouche"

Pour ce qui est des houblons qui interviennent après la coupure du feu, j’en parlais par ici sur un autre sujet, Disons que si l’on suit les propos de Scott Janish par exemple : pour obtenir plus de "complexité" dans les arômes de houblons (sur des styles bien houblonnées) on pourrait étager un FO et un HS à différentes températures (par exemple un FO vers 95°C, suivi d’un HS de 15/20min à 80°C ou un truc dans le genre).
Du reste, toujours le même Janish nous dit qu’en fonction des houblons nous pourrions optimiser le potentiel d’arômes "coté chaud" (fin d’ébu, FO et HS) dans un article de son blog dans lequel il s’intéresse aux "survivables" des houblons en fin de processus.

Et pour ce qui est des DH(s). Sur les styles où le double DH est couramment employé, dans le principe le 1er DH (en high krausen) servirait à profiter des capacités de biotransformation de la levure (encore faut-il bien choisir celle-ci).
Mais perso, je ne me suis pas encore suffisamment frotté à ce genre de styles (NEIPA notamment) et j’avoue être mitigé sur la nécessité d’aller "trop manipuler" mon fermenteur (seau plastique) sur des styles déjà naturellement très sensibles à l’oxydation. D’autant que la biotransfo devrait déjà se produire lorsque tu introduis une dose massive en hopstand par exemple.
Les copains en parlaient par ici l'autre jour...

Bref,
Tout ça pour dire que c’est un sujet très complexe (qui fait réfléchir) et que je suivrai ton topic qui peut se révéler fort intéressant...
(En fait, tout le monde suit mais personne ne fait vraiment avancer le truc. Voilà. :lol: )

Re: Travailler l aromatique

Publié : 25 sept. 2022 20:53
par Jinac
Epidemaiis a écrit : 23 sept. 2022 16:39 ous avons une partie de subvention pour ces analyses fort chères (170€ht) et avons beaucoup de mal à mettre en place d'autres initiatives de développement car un acteur privé phagocyte toutes les aides et opportunités au détriment des producteurs et du travail en commun.
On a le droit de demander quel ou quel type d'acteur privé...ça m'intrigues :think:

Pour ma part, je teste quelques trucs et suis convaincu en effet, que selon le houblon, son expression va dépendre de son utilisation (comprendre, pour tel houblon, un ajout à l'ébu sera plus susceptible de libérer son plein potentiel sur tel saveur qu'un ajout en HS etc...) Mais aucune base scientifique, juste un ressenti qui doit dépendre d'un nombre de facteur assez impressionnant ^^

Bref, comme souvent dans le vivant, avant qu'on comprenne tout...

Re: Travailler l aromatique

Publié : 27 sept. 2022 23:32
par MementoMori
@Macpo : je n'aurais pas décrit mieux que PM les flaveurs et arômes :)

J'emploie souvent ce terme avec quelques brassams et c'est drôle parce que je sais pertinemment que tout le monde fait comme si il savait absolument ce à quoi ça correspond pendant la dégustation mais au final si on devait l'expliquer :)

Les flaveurs c'est entre les arômes et les saveurs, c'est la persistance en bouche d'une sensation que tu as eue au nez : tu sens l'orange et tu "goûtes l'orange" pour l'exemple, bien ressenti par PM.

Dans les faits les saveurs ressenties par la langue ne sont qu'au nombre de 5 : sucré, salé, amer, acide et umami, c'est la rétro-olfaction qui te permet de dire "ça a le goût d'orange" et qui te fait comprendre les flaveurs ;)

Des gestions moins punitives que l'ébullition comme les HopStands en dessous de 80°C permettent un bon maintien des flaveurs. Mais.. C'est encore mieux d'appuyer" l'ensemble par l'usage d'un deuxième houblon en fin d'ébullition qui tire sur les mêmes arômes :)

Quoi qu'il en soit comme Épidemaïs, First Wort Hopping systématique, Hopstand +/- DH. Fais l'expérience sans glisser de houblons en fin d'EBU, sur mes premiers brassins c'est exactement ce que je faisais sans soucis.
Et l'ensemble marche très bien aussi avec les houblons faibles en A.A.